Emmanuel Macron l’avait annoncé durant sa campagne présidentielle, il compte réformer la formation professionnelle. Désormais en fonction, le président de la République et son chef du gouvernement Édouard Philippe ont récemment précisé leurs intentions et fixé un calendrier. Quelles sont les mesures phares de cette nouvelle réforme ? Ces changements auront-ils bien lieu et seront-ils acceptés par tous ? Le compte à rebours est lancé.
Une idée de campagne
En dévoilant son programme le 2 mars, le candidat d’En Marche qualifiait déjà l’actuel système de la formation professionnelle comme n’étant : “pas à la hauteur des enjeux de notre temps et des attentes des citoyens”. Il serait selon lui inadapté à une conjoncture économique qui voit : “des entreprises, et parfois des secteurs entiers, disparaître et se transformer”.
Pour mener à bien son “plan inédit pour la formation et la qualification” des Français les plus fragiles, Emmanuel Macron a formulé plusieurs mesures :
- CPA et individualisation de la formation professionnelle Les bénéficiaires du CPF (fondu dans le CPA depuis la loi El Khomri de 2016) pourraient choisir directement un prestataire de formation certifié par l’État. Les 6 milliards d’euros de contribution obligatoire des entreprises seraient collectées non plus par les OPCA mais par les URSSAF. (Voir Les OPCA, une espèce en voie de disparition ?). Par ailleurs, l’accès au bilan de compétence et à la formation seraient facilités pour les personnes les plus éloignées de l’emploi. “Ce système sera juste”, promettait alors le fondateur du mouvement En Marche.
- 15 milliard d’euros
C’est le montant que le candidat a promis de mettre sur la table pour le développement des compétences. Cet investissement bénéficierait à :
- 1 million de jeunes sans qualification,
- 1 million de demandeurs d’emploi,
- et participerait au doublement de la Garantie jeunes qui permet à un chômeur âgé de 16 à 25 ans sans qualification de percevoir le RSA en échange d’un accompagnement renforcé par une mission locale. Environ 120 000 jeunes sont aujourd’hui concernés.
- Les branches professionnelles avec l’enseignement
D’autres annonces du candidat Macron portent sur l’association dans l’enseignement (secondaire et supérieur) des branches professionnelles pour :
- la définition des programmes,
- l’organisation des formations,
- la définition des métiers pour lesquels les formations par apprentissage devront être privilégiées.
(Pour plus de détails voir également Le big-bang de la formation voulu par Monsieur le Président Macron aura-t-il lieu ?).
De la promesse à la réalité
Pour le moment,
aucun rétropédalage à l’horizon. Cette refonte profonde du système de la formation professionnelle que le candidat d’En Marche s’est engagé à lancer “dans les premiers mois” de son quinquennat, semble toujours être au programme. Il faut dire que depuis ses débuts à l’Élysée, le volontarisme du chef de l’État se caractérise tant par le rythme soutenu de son calendrier des réformes que par son souci de cohérence avec les annonces faites durant sa campagne présidentielle.
Pas question de ralentir le rythme. Les réformes sociales très attendues de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage seront bel et bien mises à l’agenda du président de la République, après la loi travail de cet été et avant la très observée réforme des retraites.
Précisions et calendrier des travaux
Le 6 juin, le premier ministre Édouard Philippe a dévoilé le“programme de travail” du gouvernement dans lequel la réforme de la formation professionnelle figure en bonne et due forme.
L’objectif ?
“Renforcer efficacement les dispositifs de formation professionnelle à travers un plan massif d’investissement pour les demandeurs d’emploi, les jeunes et les salariés dont les métiers sont appelés à évoluer rapidement.” À la question “quand ?”, le chef du gouvernement répond que des “premières mesures concrètes” devraient être annoncées dès la rentrée 2017.
“Le plan devra être opérationnel dès début 2018 avec un volet accompagnement renforcé.” Le gouvernement souhaite également que “l’application numérique du compte personnel de formation, concrète, exhaustive et individualisée” soit mise en oeuvre à compter de l’été 2018.
Le 4 juillet, Édouard Philippe a de nouveau confirmé lors de son discours de politique général qu' ”un projet de loi et un plan d’action” seront présentés “au printemps 2018” sur la formation professionnelle, l’assurance-chômage et l’apprentissage. Les négociations débuteront dès le mois d’octobre avec les organisations syndicales et patronales.
Enfin, dans un entretien à Ouest-France, Emmanuel Macron affirme également que la réforme de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage “sera négociée à l’automne-hiver, avec une loi d’ici début 2018”. D’après le chef de l'État, elle aura pour objectif de “sortir d’une logique assurantielle, qui ne répond plus aux changements de notre économie (...)” et d’apporter “de nouvelles sécurités individuelles qui vont avec les changements de carrière et qui permettent de se requalifier tout au long de la vie.”
Des contestations possibles ?
Si cette refonte de la formation professionnelle voit le jour, il s’agira de la
troisième réforme en moins de cinq ans portant sur un dispositif jugé trop onéreux, complexe et inadapté aux besoins. Mais à toujours vouloir rénover en profondeur notre système, ne risquons-nous pas d’annihiler les effets positifs attendus des précédentes réformes ? En 2015, le Droit Individuel à la Formation (DIF) disparaissait au profit du Compte Personnel de Formation (CPF), lui-même intégré dans le Compte Personnel d’Activité (Voir
Le CPA, qu'est-ce qui change ?) au début de l’année 2017. Face à ces bouleversements récurrents,
quelles garanties avons-nous pour nous assurer que cette nouvelle réforme soit définitivement la bonne ? Ces questions restent ouvertes et alimenteront certainement les tractations.
Enfin, comme la majeure partie des contributions des entreprises pour la formation serait progressivement transformée en droit individuels pour les actifs, ces derniers pourront directement les mobiliser pour acheter les prestations de leur choix, auprès d’un organisme de formation certifié, sans passer par l’intermédiaire des OPCA. Ce changement remet ainsi en cause leur existence et pose la question de leur réaffectation.
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