Après la réforme du Code du travail, qui a fait couler beaucoup d’encre, le Gouvernement s’attaque depuis quelques jours à un nouveau chantier : la réforme de la formation professionnelle. Celle-ci devrait passer par un projet de loi portant sur la formation professionnelle, l’assurance chômage et l’apprentissage, prévu pour le mois d’avril 2018. Une bonne nouvelle pour les entreprises, tant la formation continue des adultes est un sujet de plus en plus important, pour ne pas dire primordial, pour assurer leur compétitivité. La ministre du Travail parle d’ailleurs d’une « bataille des compétences » qui fait rage à l'échelle mondiale, qui rend indispensable une réforme en profondeur de la formation professionnelle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de réforme est très ambitieux. C’est également l’avis de Jean-François Foucard (du syndicat CFE-CGC) pour qui : « s’ils arrivent à le mettre en œuvre en trois mois, alors là, chapeau ! »
Dans le cadre de cette réforme, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a présenté aux partenaires sociaux, un « document d’orientation » d’une dizaine de pages le 15 novembre dernier. Celui-ci offre un cadre à la réforme et de nombreuses pistes de réflexion aux partenaires sociaux.
L’investissement dans la formation devrait être massif (les médias évoquent le chiffre de 15 milliards d’euros sur 5 ans), notamment auprès des demandeurs d’emploi. Toutefois, la réforme devrait mettre l’accent sur la possibilité pour chaque actif de « construire son parcours professionnel ».
Ce dernier aspect de la réforme est probablement le plus intéressant, mais il sera surtout sans aucun doute le plus discuté. En effet, il y a fort à parier que cet objectif ne sera atteint que par une refonte du Compte Personnel de Formation (CPF). Mis en place en janvier 2015, le CPF est venu remplacer le DIF, le Droit Individuel à la Formation. À l’heure actuelle, ce compte, qui permet à chaque salarié de financer une formation (pour peu qu’elle soit éligible), est abondé en heures. Le Ministère estime que cette unité de mesure en heures n’est pas satisfaisante, car elle ne prend pas en compte les évolutions des formations qui ne se font plus uniquement en présentiel. Les partenaires sociaux sont donc invités à définir une nouvelle unité de mesure du CPF. La ministre du Travail propose de le libeller en euros, pour rendre plus simple son utilisation, notamment pour des formations en distanciel, mais les partenaires sociaux y sont farouchement opposés.
Autre sujet qui fâche, la nécessaire modification du Congé Individuel de Formation (CIF). Alors que le document de travail du Ministère ne fait qu’évoquer des changements en ce qui concerne le CIF, les partenaires sociaux sont tout de suite montés au créneau pour le défendre catégoriquement. Ainsi, pour Michel Beaugas (du syndicat FO) : le CIF est « un outil auquel on tient beaucoup, car il garantit une formation longue, ce qui est précieux, en particulier pour les salariés en reconversion professionnelle ». C’est juste, pourtant, si l’on est un peu objectif, le chiffre de 50 000 CIF par an parait bien faible pour les 19 millions de salariés… Il pourrait donc être judicieux de le modifier, pour le rendre plus accessible et donc, plus efficace. La ministre propose de fusionner le CIF avec le Compte Personnel de Formation (CPF), ce que les syndicats, CGT en tête, refusent catégoriquement ! Pourtant, peut-on réellement maintenir un statu quo sur ce sujet ? C’est loin d’être certain…
Initialement, la réforme annoncée devait également porter sur l’avenir des OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés), les organismes chargés par l’État de collecter les fonds de la formation professionnelle continue et de financer la formation des salariés. En effet, alors que le candidat Emmanuel Macron souhaitait que l’Etat, par le biais de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC), reprenne aux OPCA la main sur les fonds de la formation professionnelle, ce point n’est pas abordé dans le document d’orientation du gouvernement ? Cela veut-il dire que les OPCA seront épargnés par la réforme ?
La véritable question qui devrait être abordée est celle de la simplification de l’utilisation du CPF ! Avez-vous essayé d’utiliser votre CPF ? Le processus est long et fastidieux, que ce soit pour créer son compte, trouver des formations éligibles ou mobiliser le financement. Muriel Pénicaud semble souhaiter vouloir apporter plus de lisibilité et de simplicité à ce dispositif, en réfléchissant par exemple à la suppression des listes de formation éligibles. C’est sans doute une bonne chose, tant la situation actuelle est ubuesque. Le millefeuille d’éditeurs qui définissent les listes de formations éligibles rend le tout totalement opaque ! Par exemple, dans une région, une formation peut être éligible au CPF, alors que la même formation, dans une autre région, ne sera pas éligible. Faut-il comprendre qu’un salarié à Paris n’aurait pas les mêmes droits à la formation qu’un salarié lyonnais ? Ça parait pour le moins curieux…
« Ouvrir » le CPF en faisant « sauter le verrou » de la certification devrait également être discuté, afin de permettre notamment à des formations courtes d’être éligibles. Aujourd’hui, hormis pour la bureautique et les langues, quasiment aucune formation courte n’est finançable par le CPF. Une formation permettant d’augmenter son aisance à l’oral n’est-elle pas aussi importante pour un commercial, qu’une formation sur l’utilisation du traitement de texte ? À l’heure actuelle, la première n’est pas éligible au CPF, alors que la seconde l’est, comprenne qui pourra…
Enfin, les partenaires sociaux seront appelés à réfléchir à un outil permettant de s’assurer de la qualité des formations. Dans cette optique, le gouvernement souhaiterait accentuer l’effort de labélisation des organismes de formation et rendre obligatoire la publication des résultats de chaque formation : impact sur le retour à l'emploi, sur le salaire, sur les compétences réelles acquises…
En conclusion, les discussions qui ont commencé le 24 novembre, pour s’achever mi-février 2018, devront permettre de répondre à de nombreuses questions pour que la réforme ambitieuse proposée par la ministre du Travail soit réellement profitable. À défaut, « la montagne accouchera d’une souris » …